En un an et demi, j'ai dû répondre à des dizaines et des dizaines d'appels d'offres. Certains ont été annulés sans même que l'agence dans laquelle je travaille soit prévenue... Alors en 2017, je rêve d'une relation équilibrée entre agence et entreprise.
J’écrivais il y a peu, que les entreprises étaient de plus en plus responsables (et pas seulement en terme environnemental, cela serait trop réducteur). Elles sont en effet, plus sensibles aux préoccupations sociales et économiques dans leurs activités et leurs interactions avec leurs parties prenantes.
Bien entendu si la prise de conscience est réelle, dans les faits, en 2017, il a encore du travail et une marge de progression importante. Et si je me focalise sur le sujet précis des appels d’offres que j’exerce quasiment au quotidien, on peut carrément dire qu’on est au pied de la montagne…
En un an et demi au sein d’une agence conseil en communication éditoriale, j’ai été confrontée à des aberrations et parfois même, disons-le, à des dérives.
L’appel d’offres ? Un moment de créativité, d’excitation mais aussi de stress
Rappelons-le, l’appel d’offres devrait reposer sur deux fondamentaux :
- Pour l’entreprise demandeuse, il s’agit de disposer d’une prestation de qualité au prix juste ;
- Pour l’agence, le but est d’assurer la satisfaction de son client et la rentabilité de sa structure.
Pour ce dernier point, pas facile… Saviez-vous que l’espérance de vie d’une agence de communication fraîchement installée serait de trois ans ? Et oui si « l’amour dure trois ans », il en serait de même pour les petites entreprises. Entre le panel très large de l’offre proposée (surtout en région parisienne), les opportunités d’économie en faisant appel à des structures basées à l’étranger et le fait que les aides obtenues de l’État pour se lancer en début de projet s’arrêtent brutalement, la réalité est très dure.
Au-delà de ce contexte compliqué, les agences font face à des demandes parfois hallucinantes et des abus avérés.
Entre l’entreprise qui dépose un appel d’offres avec une réponse attendue une semaine plus tard, celle qui annule l’appel d’offres en plein milieu de la consultation sans dédommagement pour l’agence et sans aucune explication, celle qui ne prend apparemment pas la peine de relire son appel (erreur de date, demandes contradictoires…) et celle qui indique qu’elle garde quatre agences en finale et qu’elle souhaite tout tester pour prendre sa décision… Les exemples ne manquent pas !
Et je ne parle même pas des appels d’offres truqués pour aller à la pêche aux idées ou faire pression sur le budget de l’agence avec laquelle on veut réellement travailler.
On peut en rire bien sûr (et il le faut même). Mais quoi de plus décourageant que d’annoncer à ses équipes qu’un appel d’offres dans lequel on s’est tous investis vient d’être annulé.
Au-delà de la déception, de l’impression de ne pas être pris en considération, cela implique une rémunération pour les collaborateurs mais pas de rentrée d’argent pour l’agence.
Une perte sèche.
"Je me rappelle de la compétition Casino, se souvient Gabriel Gaultier, publicitaire. Nous avons reçu leur coup de fil fin juin. Leur choix devait s'effectuer en septembre. En réalité, le match a duré jusqu'en novembre. Et c'est en lisant Stratégies que nous avons découvert que l'enseigne avait jeté l'éponge."
Rien de nouveau sous le soleil. Boris Eloy, alors président de l’Ujjef, association Communication et entreprise, avait pris position sur ce sujet et militait déjà en 2009 en publiant un Guide de la relation entreprise/agence.
" Au sein de l’Ujjef – Communication et Entreprise, nous militons pour que les entreprises estiment justement l’apport fondamental de l’agence dans leur stratégie de communication et pour que les agences accompagnent les entreprises en leur apportant un conseil et un service à haute valeur ajoutée. "
Autant le dire et l’écrire clairement : éthique, transparence et responsabilité ne sont pas toujours au rendez-vous.
L’exemple qui a fait le plus de bruit, y compris dans les médias, est sûrement celui de la Poste fin 2015. Normal… L’appel d’offres concernait la stratégie digitale et éditoriale de l’ensemble des projets numériques de la Poste. Un projet faramineux ! Les agences finalistes avaient dépensé entre 80 000 et 200 000 euros sur un travail de près de six mois ! Malheureusement, l'entreprise a décidé brutalemment de tout stopper. La Poste a alors envoyé un courrier aux principaux concernés pour indiqué un dédommagement (oui oui par courrier.). Seul hic… la Poste proposait 2 000 euros à chaque agence. Forcément la pilule a eu du mal à passer.
Édouard de Pouzilhac, président de 5e Gauche et de la délégation interactive de l'AACC confiait à l’époque ses inquiétudes et lançait une alerte lors d’une interview à Stratégies.
" Il est urgent que les annonceurs réalisent le coût très important qu'engendre pour une agence la participation à une compétition digitale (notes stratégiques, livrables créatifs, experts mis a disposition, achat de prestations extérieures…). Ce gaspillage est absurde et désormais intenable car il est destructeur de valeur pour tout le monde."
Vers un partenariat où chaque partie prenante est gagnante
Je viens d’écrire mon premier article « coup de gueule » (toutes proportions gardées). La faute au blue monday ? En tout cas si les entreprises pouvaient prendre de bonnes résolutions en cette nouvelle année… la collaboration avec les agences ne pourrait qu’être meilleure.
Si je suis sûre que certaines entreprises ne se rendent même pas compte des problématiques que peuvent vivre les agences, il est essentiel de prôner des valeurs communes pour créer une relation équilibrée.
Stop au cynisme et surtout arrêtons ces pratiques malhonnêtes qui mettent à mal les petites agences et les rendent vulnérables. En 2017, je rêve d'une relation équilibrée entre agence et entreprise !